Objectifs de développement durable: quinze ans pour sauver la planète? (partie 2)

Du 25 au 27 septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies doit adopter les nouveaux Objectifs de développement durable (ODD). Un cadre international destiné à mobiliser les efforts de tous les pays pour rendre la planète durable et équitable avant 2030. Un programme plus qu’ambitieux.

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À l’heure actuelle, les stratégies à adopter pour mettre en œuvre les ODD et les possibles indicateurs à utiliser sont peu définies. L’ODD numéro 17 consacré à cet effet reste plutôt sommaire. “On ne sait pas de quels moyens de mise en œuvre, de vérification, de mesure et de financement, les acteurs vont disposer. Ni les engagements que les acteurs publics et privés vont devoir formuler pour que tout cela devienne effectif“, détaille l’économiste Tancrède Voituriez.

Alors que nous ne sommes plus dans la dynamique Nord/Sud des années 2000, mais dans un monde plus hétérogène, comment appliquer ces objectifs à la fois de façon universelle, mais aussi différenciée à tous les pays? Sans compter, la question de l’application des ODD au sein même des pays développés, qui reste aussi une nébuleuse.

L’évaluation, quant à elle, pourrait prendre la forme d’un rapport de suivi, sur la base d’indicateurs encore non définis. En ce sens, la société civile plaide pour que les indicateurs soient plus qualitatifs et prennent en compte les conditions dans lesquelles les progrès ont été réalisés. La mise en œuvre et la réalisation des ODD dépendront donc pour beaucoup du niveau d’ambition des États. D’autant plus qu’il n’existera pas de caractère contraignant à ces engagements.

Toutefois, l’opinion publique pourrait être un levier de pression supplémentaire pour rappeler aux États leurs engagements. Mais, encore faudrait-il que les populations soient au fait de l’existence de ces ODD. La mobilisation citoyenne est l’un des rendez-vous ratés des OMD. “Il est très compliqué de mobiliser les citoyens sur des enjeux qui paraissent si lointains et déconnectés du quotidien. Y compris les militants au sein même des réseaux de solidarité internationale“, confie Pascale Quivy de Coordination Sud. C’est pourquoi, plusieurs ONG internationales se sont rassemblées à travers la plateforme Action/2015, avec pour mission de mener régulièrement des campagnes internationales de sensibilisation sur les enjeux post-2015.

Lutter contre l’évasion fiscale

Outre la volonté d’engagement des États, le financement sera aussi moteur de la transition. C’est la grand-messe d’Addis-Abeba (Éthiopie) sur le financement du développement qui devait donner le “la”, en juillet 2015, sur le cadre à adopter pour les années à venir.

Difficile de chiffrer les ODD, mais les échelles seront indéniablement supérieures à celles des OMD. Le Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable, initié par l’ONU, a tenté, en août 2014, de quantifier les besoins financiers. À titre d’exemple, il faudrait près de 66 milliards de dollars par an pour éradiquer l’extrême pauvreté dans tous les pays. Ce sont également entre 5000 et 6000 milliards de dollars d’investissements annuels qui seraient nécessaires pour mettre en place les infrastructures requises au développement, telles que l’électricité, l’eau ou l’agriculture. En conséquence, l’action publique ne pourra pas parvenir à tout financer.

Dans ce même rapport, les experts rappellent qu’il incombe à chaque pays la responsabilité première de son développement. Les financements seuls n’étant pas suffisants pour parvenir à atteindre ces objectifs sur le long terme. La création d’un environnement propice au développement à travers un ensemble de facteurs combinés est indispensable: cadre légal, stabilité politique et financière, politiques économiques et publiques.

À ce titre, la mobilisation des ressources domestiques, publiques et privées, représente une source de fonds majeurs. En particulier, par la régulation des flux financiers illicites: l’évasion et la fraude fiscales dans les pays en développementreprésenteraient plus de 1000 milliards de dollars par an, soit plus de 10 fois le montant de l’aide publique au développement (APD). Mais aussi, grâce à une affectation mieux ciblée des ressources budgétaires des pays, en supprimant, par exemple, les subventions aux énergies fossiles.

Pour une implication du secteur privé

Si rien n’est défini aujourd’hui, il est déjà certain que la contribution du secteur privé est très attendue. La mobilisation de ressources privées, notamment via les investissements directs à l’étranger à destination des pays les moins avancés, représenterait, selon le rapport, la source la plus stable et la plus durable d’investissement.

Pour aller plus loin: “Les intérêts des entreprises convergent avec les problématiques du développement”

Toutefois, rappellent les ONG, celle-ci ne devra pas se faire au détriment de l’APD, qui reste une ressource essentielle pour accompagner les pays pauvres dans la lutte contre les inégalités et la pauvreté. D’autant plus que l’APD peut également jouer un rôle catalyseur, afin d’attirer de nouveaux financements.

Enfin, les financements innovants continueront d’être explorés. Un groupe d’experts intergouvernemental, créé depuis 2006, étudie les pistes pour financer de nombreux secteurs comme la santé, l’agriculture, la biodiversité ou le changement climatique. Plusieurs solutions sont envisageables, qu’il s’agisse de l’application de sources de financement traditionnelles, à l’image de la taxe sur les billets d’avion reversée à UNITAID pour l’achat de médicaments ou de taxe sur les transactions financières. Ou bien, par des mécanismes de financement innovants qui permettront d’orienter les ressources existantes (publiques, privées ou partenariats public-privé) afin d’optimiser leurs impacts, tels que le font déjà les investissements à impact social ou l’initiative GAVI.

Si Addis-Abeba sera l’occasion d’approfondir la question du financement du développement, les engagements réels risquent de rester limités. “Beaucoup sortiront avec un sentiment mitigé, car nous en attendons beaucoup trop, estime l’économiste Matthieu Boussichas. Je doute qu’il y ait un ‘pledge’ de la part des États. Au mieux, il y aura un beau discours qui rappelle les instruments qui existent et la façon dont nous pouvons les utiliser pour élargir notre façon de financer le développement“. À quelques mois des deux conférences qui se veulent essentielles pour l’avenir de la planète, la COP21 et l’assemblée générale des Nations Unies sur les ODD, il est certain qu’aucun risque de les faire échouer ne sera entrepris.